La drogue est un phénomène qui a pris une ampleur très importante à la fin des années 50. Ce mode de vie vient en particulier des étudiants issus de familles aisées de Californie. Ils rejettent le confort et la facilité, symbole de la société capitaliste, industrielle et mercantile de l'après-guerre, et recherchent un désir d'évasion vers la vie primitive. L'usage de drogues ,marijuana puis LSD, héroïne, etc... a été un raccourci catastrophique vers cette tentative d'évasion.

Puis elle existe pour elle-même, le nombre de toxicomanes augmente, l’indépendance s’installe et les passages drogues douce, drogue dure se multiplient.
L'affaiblissement des valeurs de référence et l'éclatement familial ont aggravé le problème en livrant des jeunes à une vie sans règles de base, ni soutien. La crise économique, ainsi que le chômage renforcent une morosité ambiante qui font désespérer les jeunes. ils ne savent quelle voie suivre.
Une nouvelle maladie fait irruption dans le monde entier, le SIDA. Elle est mortelle et il n'existe aucun traitement pour soigner cette maladie sexuellement transmissible. Au début, elle touchait 65% des homosexuels et 30% des toxicomanes, à cause de l’insuffisance d'hygiène, et de l’échange de seringues contaminées.
Cet ensemble de causes entraîne un sentiment d'impuissance chez les intervenants en toxicomanie et chez les responsables politiques d'où la création de "la pensée unique dominante" en matière de toxicomanie.
"La lutte contre la drogue est perdue. Il faut s'accoutumer à vivre avec la toxicomanie et se contenter d'en limiter les risques."
Etant un artiste engagé, Serge Gainsbourg est contre la drogue et le prouve par ses chants. Dans «Cannabis», il nous montre qu’il ne fait pas de différence entre les drogues ‘douces’ et ‘dures’.
«La mort a pour moi le visage d'une enfant,
Au regard transparent,
Son corps habile au raffinement de l'amour,
Nous prendras pour toujours,
Elle m'appelle par mon nom,
Quand soudain je perds la raison,
Est ce un maléfice,
Ou l'effet subtil du cannabis.»
«La mort ouvrant sous moi
Ses jambes et ses bras,
S'est refermée sur moi,
Son corps m'arrache enfin les râles du
plaisir,
Et mon dernier soupir.»
Joseph et Olga Ginsburg, un couple russe fuyant la révolution d’Octobre, s’installent en France en 1921. Ce sont des gens cultivés et épris de musique. Installés à Paris, ils ont un premier enfant, Marcel, qui décède à 16 mois.
En 1927, Jacqueline vient remplacer cet enfant perdu. Puis c’est au tour de Liliane et de Lucien de naître ensemble, à Paris, le 2 avril 1928
Etant le seul garçon de la famille, Lucien grandit avec sévérité. Son père joue du piano dans les cabarets et exige de son fils une parfaite éducation scolaire et musicale. Les Ginsburg habitent le 9e arrondissement de Paris, rue Chaptal, un quartier populaire et touristique, vivant et bruyant. Enfant sage, Lucien passe sa scolarité sans problème. On le dit poli et réservé. Il apprend le piano avec son père.
Avec la guerre, les Ginsburg, pourtant naturalisés français en 1932, doivent se méfier du régime de Vichy. On leur fait porter l’étoile jaune. Ils quittent alors Paris pour Limoges où ils se cachent jusqu’à la fin de la guerre.
Lucien découvre la vraie vie à 17 ans. La paix, la liberté au milieu d’un Paris envahi par le jazz et les Zazous. Saint-Germain des Prés est le coeur et l’âme de la capitale. Sartre, Vian, Gréco, Trenet sont les maîtres des nuits parisiennes.
En 1946, les Ginsburg déménagent rue Bugeaud. Dans sa chambre, Lucien s’essaie aux Arts. Il s’inscrit au cours de dessin de l’Académie Montmartre où on repère son doigté. Il rencontre Elizabeth, russe comme lui, qui est son premier amour. Un différent avec son père le pousse à quitter le domicile familial pour effectuer son service militaire. « Heureusement », sa santé fragile le dispense de l’Indochine.
En 1953, il épouse Elizabeth. Leur mariage durera jusqu’en 1957.
Sa passion, c’est la peinture. Mais personne ne le remarque et il s’acharne dans le vide. Vidé, malheureux, il revient à la musique, au piano, et en 1954, il s’inscrit à la Sacem sous le nom de Julien Grix. Mais toujours sans succès.
Il passe son été au Touquet, à jouer dans les bars, et à l’automne, fort de cette expérience et riche de quelques chansons de son cru, il regagne Paris avec un nouveau nom de scène: Serge Gainsbourg.
Pendant près de trois ans, il va perfectionner son art, le peaufiner et créer son personnage. C’est en 1958 que sort son premier disque qui contient notamment Le Poinçonneur des Lilas, chez Philips, par l’intermédiaire de Jacques Canetti.
Mais si «Le Poinçonneur des lillas» acquiert un certain succès, c’est parce qu’il est chanté par Les Frères Jacques ou Philippe Clay. Gainsbourg, lui, ne plaît guère, dérange. Grâce à Michèle Arnaud, ses chansons se vendent, certes chantées par d’autres artistes, mais elles se vendent. Juliette Gréco, en 1959, s’attachera aussi à ce curieux personnage. Petit à petit, la notoriété l’appelle.
Au cinéma, il fait une première apparition dans « Voulez-vous danser avec moi ? » de Michel Boisrond, au côté de Brigitte Bardot. Par la suite, il jouera dans de nombreux films, dont beaucoup de navets ou péplums, et il réalisera la BO de certains d’entre eux.
Début 1958, il se lie avec Françoise Pancrazzi et s’installe chez elle. Ils se marient en 1964 pour divorcer en 1966. Entre-temps, Natacha naît de leur union en août 1964, puis, après leurs retrouvailles, Paul, en 1968. Mais leur nouvelle séparation sera définitive.
Côté carrière, Serge Gainsbourg écrit beaucoup pour les autres: Isabelle Aubret, Juliette Gréco, Petula Clark, Anna Karina, … Mais cela ne l’empêche pas de sortir, à titre personnel, de 1961 à 1963, trois albums. Puis deux nouveaux 33 T, dont le remarquable Gainsbourg percussions, mais le public continue de le bouder.
C’est en 1964 qu’une jeune fille de 15 ans, France Gall, fait un tabac avec un de ses titres: Les Sucettes. Malgré le scandale, le couple Gainsbourg-Gall obtient le Grand Prix de l’Eurovision 1965 sous les couleurs du Luxembourg avec Poupée de cire poupée de son. C’est enfin le succès, la richesse, à plus de 37 ans !
Il fait chanter Brigitte Bardot et tombe amoureux de « La » femme, alors en pleine gloire, qui fait tourner la tête de toute une génération d’hommes. Ils ont une aventure qui laissera Serge accablé, détruit. Il lui écrit des chansons pour exprimer son amour: Harley Davidson, Initiales BB, Bonnie and Clyde, et le superbe Je t’aime… moi non plus.
Serge se remet mal de cette rupture. Nous sommes en 1968 et il se retranche dans son pavillon de la rue de Verneuil qu’il vient d’acquérir. Il refuse un album à Jeanne Moreau et refuse aussi de remplir l’Odéon. Mais il écrit encore et publie Chansons cruelles. Il tourne aussi beaucoup pour le cinéma.
Et c’est sur le tournage de Slogan qu’il rencontre Jane Birkin. Leur rencontre est d’abord houleuse, puis les deux êtres s’apprivoisent enfin pour ne plus se quitter pendant près de douze ans.
La période Birkin est riche. Elle redonne à Gainsbourg le goût de la création et de la vie: de 1970 à 1990, il composera des centaines de titres, des dizaines d’albums, pour lui ou pour Chamfort, Birkin, Paradis, Deneuve, Adjani, Lazlo, Dutronc, Bashung.
La famille Gainsbourg vit rue de Verneuil avec Kate (la fille de Jane et John Barry) et Charlotte qui naît en juillet 1971. De leur amour naissent aussi de nombreux albums, dont le premier voit le jour en 1973: Di Doo Dah.
En 1975 et 1976 sortent deux albums majeurs : Rock around the Bunker et L’homme à la tête de chou, et surtout, un premier film en tant que réalisateur: Je t’aime… moi non plus. Le succès est absent. C’est une période creuse, artistiquement, psychologiquement, affectivement.
Après un voyage à Kingston et un retour aux sources du reggae, il nous revient en 1979 avec un nouvel album et une Marseillaise déjantée. Ses concerts en 1980 le propulsent au sommet. Mais dans un même temps, Jane le quitte.
1984. C’est l’époque de Love on the Beat. Le père Gainsbourg est une institution. Médaillé des Arts et des Lettres et de la Légion d’Honneur, il profite de sa célébrité pour jouer avec son personnage. Il est Gainsbarre, le provocateur saoul à l’écran, avec insultes et billets de banque brûlés en direct.
C’est sa santé qu’il brûle aussi par ses excès. Il s’oblige à moins fumer et à moins boire.
Sa compagne Bambou (Pauline Von Paulus) lui donne un fils Lulu en janvier 1986. Les années passent, des albums pleins la tête et des projets qui ne verront pas le jour. Une crise cardiaque le terrasse dans la nuit du 2 au 3 mars 1991 à Paris. Il est enterré au cimetière Montparnasse le 7 mars 1991.
CONCLUSION
Serge Gainsbourg, de part ses textes dénonciateurs de la société ainsi que son talent, a su durant sa carrière transformer la chanson qu’il qualifiait d’art mineur en art majeur. Il a à la fois choqué et touché la France entière en alliant dans sa musique les sujets tabous de l’époque et son art de la provocation. Pour se faire, il s’est entouré de nombreux artistes et collaborateurs qui ont contribué à sa notoriété. Gainsbourg a un double : Gainsbarre; c’est un homme perturbé, accumulant les peines de coeur et son addiction à l’alcool, au tabac. Un comportement auto-destructeur qui l’a mené à sa perte. Gainsbourg a été, est et restera un des personnages français qui a marqué les époques.
Nous pouvons donc dire que Serge Gainsbourg a été à la fois porte parole de toute une génération, et élément provocateur du changement des mentalités.
D’ailleurs, lors d’une interview en 1989, Gainsbourg nous définit son style «On dira ce qu’on a dit de Baudelaire. Parfois trop violent, assez porté sur l’érotisme mais avec un langage précis.»